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Qualification d’agent commercial même sans faculté de négocier les prix : confirmation de la Cour de cassation
Droits des contrats - distribution - concurrence - consommation
15 avril 2022
Cass. com. 16 juin 2021, n°19-21.585
L’agent commercial est défini par l’article L. 134-1 du Code de commerce comme « un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux »
La qualification d’agent commercial donne lieu à un contentieux nourri récemment marqué par un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui a donné une conception extensive du pouvoir de négociation (CJUE, 9e ch., 4 juin 2020, aff. C-828/18 ).
Pour rappel, le Tribunal de commerce de Paris avait saisi la Cour de Justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle formulée ainsi : « L’article 1er, paragraphe 2, de la Directive n° 86/653/CEE du 18 décembre 1986 sur le statut des agents commerciaux, doit-il être interprété comme signifiant qu’un intermédiaire indépendant, agissant en tant que mandataire au nom et pour le compte de son mandant, qui n’a pas le pouvoir de modifier les tarifs et conditions contractuelles des contrats de vente de son commettant, n’est pas chargé de négocier lesdits contrats au sens de cet article et ne pourrait par voie de conséquence être qualifié d’agent commercial et bénéficier du statut prévu par la directive ? ». La Cour de Justice de l’Union européenne, à la suite d’une argumentation très motivée, avait répondu qu’une personne n’avait pas nécessairement besoin de disposer de cette faculté de modification des prix pour être qualifiée d’agent commercial au sens de la directive.
Cette conception de la faculté de négociation de l’agent commercial va être employée par la Cour de cassation dans l’arrêt commenté ici.
En l’espèce, un contrat verbal avait été conclu entre un intermédiaire immatriculé au registre des agents commerciaux et un producteur de générateurs photovoltaïques. Ce dernier avait décidé de modifier les conditions de rémunération, à la suite de quoi l’intermédiaire l’avait assigné en paiement d’une indemnité de cessation de contrat et d’une indemnité de préavis. Dans la pratique, l’intermédiaire transmettait au producteur les éléments techniques des chantiers et le producteur renvoyait un projet technique et un devis à l’intermédiaire, qui les soumettait aux clients en pouvant, éventuellement, suggérer des remises de prix au producteur qui en décidait seul.
La Cour d’Appel de Paris avait considéré qu’à supposer même que la possibilité de suggérer des remises sur les prix puisse être considérée comme une faculté de négocier les prix, cette possibilité n’avait aucun degré de permanence et donc l’intermédiaire ne disposait pas de la faculté de négocier les prix et ne pouvait pas bénéficier des dispositions protectrices relatives à l’agent commercial.
L’enjeu est ici essentiel au regard du statut protecteur des agents commerciaux.
En effet, l’agent commercial bénéficie notamment d’une indemnité d’ordre public en cas de cessation de son contrat dont le montant n’est pas fixé par la loi mais que l’usage tend à fixer à deux années de commissions.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au motif qu’en « se fondant sur l’impossibilité de M. [U] de négocier les prix et les termes des contrats » pour dire que l’intermédiaire n’avait pas le statut d’agent commercial, « la Cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Ce faisant, la Cour de cassation se rallie ici, une nouvelle fois après deux arrêts récents (Cass. com. 2 décembre 2020, n°18-20.231 et Cass. com. 12 mai 2021, n°19-17.042), à la conception de la négociation qui avait été dégagée par la Cour de Justice de l’Union européenne.
La Cour de cassation semble donc définitivement abandonner la conception restrictive de la notion de négociation qui est prévue par l’article L. 134-1 du Code de commerce qu’elle avait maintenue pendant plusieurs années (voir par exemple Cass. com. 15 janvier 2008, n°06-14.698 ou encore Cass. com., 13 septembre 2017, n°16-15.248) malgré les critiques de la doctrine.